concert
le 17 octobre 2020 à 20h à l’Institut du Monde Arabe à Paris
© Salah Mansouri
DuOuD de nouveau sur la route.
En effet après Wild serenade plébiscité par la critique et qui les a amené au 4 coins du monde et Sakkat leur album de
collaboration au Yemen, les 2 compères reviennent à leur complicité première : le Duo.
Fort de leurs expériences personnelles et de tout le chemin parcouru, ils
continuent dans leur quête du Oud du 21ème siècle ; encore et toujours des
nouvelles sonorités de oud, des univers inédits où l’instrument se faufile,
tourbillonne respectueux de sa tradition mais aussi tourné vers l’avenir.
Qu’ils soient profondément arabe ou trash métal, Mehdi Haddab et Smadj ont envie de vivre leur instrument sans retenus sans complexes, ils aident à fabriquer le oud populaire contemporain, toujours aussi séducteur mais aussi groovy, cinématographique, kitch, trash, ou encore au service des voix qu’ils aiment.
sortie Nouvel album « Ping Kong » janvier 2009 Harmonia Mundi
A priori, le oud est un instrument orientale classique, noble, voir un peu précieux. Tout en se faisant plaisir, le musicien d’origine tunisienne, Jean-Pierre Smadja dit Smadj et le oudiste algérien du groupe Ekova, Medhi Haddab, se sont donné comme objectif d’extirper l’instrument de son contexte un peu contrit et de l’armer pour la vie moderne.Le seul usage d’un environnement numérique (samples, boucles et effets de toutes sortes) n’est certes pas une solution suffisante pour réussite l’initiative.
Le talent, les deux hommes en sont comblés et l’ont déjà prouvé dans leurs productions antérieures respectives. C’est avec une grande subtilité qu’ils ont combiné la vibration classique du oud, la liberté acquise en fréquentant la pratique d’improvisation du jazz et la rigueur rythmique alliées à la science des climats apprise dans les recoins de la scène électronique la plus exigeante.Le point le plus admirable est sans doute la complicité qui s’est développée entre les deux musiciens.
Entre les notes, les rythmes et les accords, on perçoit les clins d’œil, les discussions constructives et les raccourcis intelligents que permet une amitié sincère.
Et cette complicité s’élargit au cercle d’amis venus soutenir le duo : Vincent Segal, Cyril Atef, Pierre Fruchard, Thomas Ostrowiescki et l’admirable violoniste turc, Nedim Nalbantolu.
Chacun trouve une place idéale où rayonner sans bousculer la soyeuse intimité de leurs hôtes. Les compositions ne manquent ni d’allure ni d’audaces et les reprises sont aussi éloignées que possible de l’exercice de style.
Après deux ans de tournées à travers le monde et un succès inespéré, un second album s’est imposé naturellement aux deux acolytes (Mehdi Haddab et Smadj) de DuOud.
Le premier opus Wild Serenade a posé les fondations d’une collaboration fertile entre deux voisins jouant dans leur coin du même instrument, avec une complémentarité évidente entre les ouds acoustiques et électriques. Spécificités qui se reflètent dans leurs centres d’intérêts, l’un étant plus porté sur la technique musicale (Mehdi Haddab) et l’autre sur les bidouillages sonores (Smadj, qui est par ailleurs ingénieur du son).
Comment poursuivre ? La question du second album est toujours délicate. Il fallait quelque chose de plus radical, le hasard s’en est chargé.
Envoyés au Yémen en février 2004 - Sanaa est alors la capitale culturelle du monde arabe - dans le cadre des échanges organisés par l’Afaa, ils découvrent une nation fascinante à la limite de schizophrénie. Situé au sud-est de la péninsule Arabique, le Yémen est le seul pays à ne pas posséder de pétrole.
Par conséquent, beaucoup plus pauvre que ses voisins, il traîne avec lui une réputation sulfureuse. L’Aden de Rimbaud et de Paul Nizan avait enflammé les imaginations, la réforme culturelle des Salafis dans les années 80, interdisant notamment la musique, avait fini par nous recadrer vite fait. Les doubles jeux, où les codes sociaux d’un islam rigoriste ne correspondent pas toujours à une réalité quotidienne, constituent l’aventure qui attend Mehdi et Smadj. Sakat retrace la rencontre de DuOud avec le monde musical yéménite radicalement différent de ce qu’ils ont connu jusqu’alors. Sakat, qui signifie « silencieux », caractérise bien un monde ultra-traditionnel où la musique fut interdite et les amours cachés.
Arrivées à Sanaa, Mehdi et Smadj sont présentés à des musiciens renommés, le chanteur et joueur de oud Abdulatif Yagoub et le joueur de Mismar, instrument à vent à double anche, Ahmed Taher.
Deux représentants exemplaires de la production locale : l’érudit et discret Abdulatif Yagoub a étudié en Egypte et joue dans un des orchestres nationaux. Sa grande connaissance du répertoire populaire a fait de lui l’un des interlocuteurs privilégiés du projet. Ahmed Taher, véritable personnage local (sosie de Donald Sutherland selon les intéressés !), possède la gouaille populaire et sa réputation s’étale sur une cinquantaine de cassettes. Première découverte : les instruments.
Si nos deux « Sinbads » ne voyagent jamais sans leur oud dont ils connaissent les moindres détours, les voilà surpris par une technique unique, totalement différente de celle développée dans le reste du monde arabe : indispensable accompagnateur du chant, il lui est intrinsèquement lié, le rythmant et le soutenant tout à la fois. Le mismar quant à lui est un petit instrument apparenté au hautbois ou à la bombarde. Pour en jouer, le musicien utilise la technique du souffle continu où les joues bourrées de « quat » font office de poche à air. Lié à la danse, cet instrument de rue fait un barouf d’enfer et possède un répertoire barré à la limite du free-jazz. Dès son apparition, il provoque la folie du public qui rentre souvent en transe.
Emballés par la rencontre avec ces deux musiciens et leurs percussionnistes, Mehdi et Smadj reviennent pour enregistrer un répertoire traditionnel : du véritable hors-piste avec des studios improvisés à la va comme je te pousse.
De retour sur Paris, ils se partagent la post-production des morceaux sélectionnés, (aucune composition personnelle pour ce deuxième album), selon des affinités rythmiques ou mélodiques. D’une première approche ésotérique, les Duoud rentrent peu à peu dans une caverne d’Ali Baba où subtilités et raffinements caractérisent cette musique populaire.
Chaque nouvelle écoute de l’album révèle d’ailleurs ses trésors cachés. Pour cela, il a fallu à Smadj et Mehdi plusieurs heures d’écoute et trois voyages pour pénétrer les clés d’une musique à priori simple et répétitive. De longues heures encore pour digérer les découvertes et les restituer à leur manière. Loin d’une démarche ethnomusicologique, leur objectif consiste à moderniser un répertoire qui, contrairement à beaucoup de pays arabes, n’a pas encore été phagocyté par des remix électro bidons.
Primeur dont a su profiter Duoud avec brio, jouant des emballements fous du mizmar comme de l’indolence qui gagne les musiciens dès 13h lorsqu’ils s’asseyent pour mâcher le « quat », donnant un groove presque reggae aux mélodies yéménites. Mehdi et Smadj ont su repérer les « gimmicks » de cette musique, souligner une technique de oud particulière, révéler les grooves cachés et les refrains accrocheurs d’une tradition au potentiel pop’ou s’en écarter, avec respect, modifiant l’harmonie par là, les arrangements ailleurs.
C’est le cas de « illhdah al aakerh » où intervient Eric Truffaz.
Ce musicien attentif, connaisseur de la musique arabe et dont les silences sont remarquables dans un univers jazz plutôt bavard, a su éclairer de sa trompette l’un des morceaux les plus sombres de l’album.