concert
biographie
ALINE DE LIMA
Açaí � à prononcer aça-i, avec l�accent tonique sur le i final,
c�est fondamental - désigne le fruit d�un palmier amazonien, l�Euterpe
oleracea, que les Portugais colonisateurs avaient baptisé
açal. Le i détaché en fin de mot est un produit purement créole,
brésilien, indigène. D�où son importance. Jeune artiste qui publie
son deuxième album, Aline de Lima est déjà une grande
professionnelle qui ne laisse rien au hasard, hormis les sentiments.
Açaí, titre de l�album, est une déclaration sur l�honneur et une
profession de foi : �Moi, Aline, fruit du Maranhao (Etat du Nord du
Brésil, au bord du bassin amazonien), serait toujours Aline enracinée
dans la terre rouge et ocre du pays de braise, même chantant
en français ou en suédois, même transportée par l�internet,
le téléphone, les tournées��.
Si la mondialisation lâchait ses diablotins sur Aline de Lima,
elle se casserait les dents. Profondément sourcées, ces compositions
originales d�une jeune femme née en 1978 dans l�Etat brésilien
du Maranhao ont su garder une fraîcheur, un goût de fruits
cueillis à l�arbre que seule l�enfance préserve. �Obra-prima do
tempo/Seu beijo maduro eu colhi� (J�ai cueilli ton baiser mûr,
chef d�oeuvre du temps), écrit Aline de Lima en guise de préface
à ce voyage au coeur de la sensibilité en douze titres.
Pour dessiner les plans de cette architecture organique � murs
de végétaux, blé doré européen et tapis de fougères sud-américains
� Aline de Lima s�est rapprochée d�un fameux Japonais,
Jun Miyake, qui co-produit l�album . Trompettiste, compositeur, arrangeur,
entendu dans les théâtres avec Philippe
Découfflé, Bob Wilson ou Pina Baush, féru de
musique brésilienne, auteur en 2002 d�un
album OVNI, Innocent Bossa in the Mirror, il
est aussi l�un des compagnons de route
d�Arto Lindsay, le brillant guitariste et rénovateur
de la MPB (Musique populaire brésilienne)
par ses productions aux côtés de
Caetano Veloso ou Marisa Monte.
Tout ce beau monde se retrouve à
New-York, et forme une quasi-école de la
subtilité avant-gardiste, où figurent également
le guitariste Marc Ribot et Vinicius
Cantuaria, qui a réalisé Arrebol, le premier
disque d�Aline de Lima.
Voici donc notre belle maranhense
englobée dans une tribu à l�extrême
musicalité. Englobée, mais non engloutie.
Parce qu�elle a du caractère,
Aline. Un côté frêle, un côté
têtue, déterminée, et une passion :
les chansons. En écrire, leur offrir des
mélodies, en reprendre, de celles qui ont
marqué dès l�enfance, comme ce refrain
de Mulher Rendeira, une chanson composée
par Zé do Norte en hommage
au bandit de grand chemin défenseur
des pauvres, Lampião : �Olê muié rendera/
Olê muié rendá/Tu me ensina a
fazê renda/Que eu te ensino a namorá�, tu m�apprends à broder, je t�apprends
à flirter. Joan Baez, égérie des mouvements protestataires américains, avait repris
la chanson nordestine (dans Joan Baez 5, 1964). Aline de Lima cite ses sources et
tricote, en français, des paroles de douceur pour une brodeuse de bord de mer
(Renda Minha/Mulher Rendera). Citation toujours, Horizontes, un poème du Lisboète
Fernando de Pessoa, la mer, l�amour, le vague à l�âme� inclus dans un
texte d�une nostalgie entre deux eaux comme Aline l�urbaine solitaire sait les écrire,
Adeus Solidao (Adieu solitude).
Au Studio Tex Avril de Paris, Jun Miyake a posé des guitares, du piano, du
vibraphone, de la kora (Quem Sou) parce que le Brésil et Aline, c�est aussi
cette délicate africanité. Il y a Marin-Pêcheur, écrite en français puisque la
chanteuse habite Paris depuis l�an 2000, après deux ans passés en Suède
(un suédois parfait, Som Om Ingenting Har Hänt, parole de Johan Schütz).
�Qu�est-ce que je fais ?/Mon coeur de sirène a plongé/Dans l�illusion/De
te ramener dans l�eau salée de ma passion�. C�est limpide. La jeune
femme sait écrire, elle sait fabriquer des mélodies qui vont avec.
Aline de Lima a eu un père employé de banque et fan de samba, une
mère institutrice fan de Maria Bethania et de Chico Buarque, elle a chanté
toutes les comptines des enfants de son âge. Puis, elle s�est mise à dessiner
follement en absorbant ces mille musiques, ces mille rythmiques, ces mots indigènes
mêlés au portugais académique, des cocktails dont le Brésil a le secret.
Bien sûr, dans cet univers, il y a des figures tutélaires : ici donc, Gilberto
Gil, chanteur et ministre de la culture du gouvernement Lula, dont Aline de
Lima reprend Ladeira da Preguiça (la rue de la paresse). Car voilà bien
l�affaire : travailler plus pour gagner en aisance, être fainéant d�apparence
et bosser ses classiques des jours durant. C�est ainsi qu�un autre nordestin,
Joao Gilberto, inventa le son de la bossa nova, ce balancement si complexe�
Et c�est ainsi qu�Aline de Lima finit un deuxième album où la voix a gardé sa
fraîcheur et conquis de nouveaux territoires, verts, amazoniens, humains.
sources : naive